Carnet de voyage

DÉBUT DES ENREGISTREMENTS : 2950.08.03_21:48 SET

Le sujet de la leçon d’aujourd’hui était “profitez de ce qui vous est proposé”. J’avais besoin de l’apprendre. Je suis content qu’elle ait trouvé son chemin jusqu’à moi.

Un peu de récapitulation. Hier soir, je me suis dirigé vers le stand Twyn’s juste au moment où ils sortaient une nouvelle fournée de merguez, donc le dîner n’était pas si mal. C’est l’un de mes plats préférés sur les longs trajets. J’ai surpris le caissier du stand qui me regardait longuement et j’étais gêné par mon bras, même s’il était couvert. Je n’y ai pas pensé quand je suis retourné aux mêmes chaises cassées dans le hub de Covalex pour dormir un peu.

Je me suis réveillé ce matin pour trouver un autre sandwich Twyn’s à côté de mon sac à dos. Il y avait une note écrite sur l’emballage :

Gardez un oeil sur l’Ithaca, CapEzura et les autres.

J’ai passé la matinée sur le pont d’observation et j’étais sur le point d’abandonner lorsque j’ai vu un  Reclaimer nommé Ithaca arriver en douceur. Je me suis dirigé vers les arrivées alors que l’équipage du vaisseau sortait d’un ascenseur et se dispersait dans la station. J’ai suivi celui qui se dirigeait vers le TDD et écouté sa conversation. Il avait l’air gentil et poli, alors je suis allé me poster dehors. Il m’a regardé et m’a immédiatement demandé si j’étais de l’Église du Voyage. J’ai dit que je l’étais et il s’est présenté comme le capitaine Ezura. Il n’a même pas bronché quand il a serré ma cybernétique.

Il m’a invité à bord de l’Ithaca et a fait les présentations. L’équipage était accueillant et semblait habitué à recevoir des voyageurs à bord, car ils n’ont pas posé le barrage habituel de questions, comme l’endroit où j’allais ou la raison pour laquelle on l’appelait “église” alors qu’il s’agit simplement d’un ensemble de croyances, etc. Ils ont simplement accepté que je fasse partie du voyage, où qu’il nous mène. Tous étaient avec le capitaine depuis un certain temps, ce qui est généralement un bon signe. J’ai proposé d’aider à préparer le dîner, mais le capitaine Ezura (tout le monde à bord l’appelle “Cap”) a dit que c’était son tour de cuisiner. Après, j’ai commencé à faire la vaisselle mais on m’a ordonné de me reposer. J’ai failli protester, mais les ordres sont les ordres et cela fait longtemps que je n’ai pas dormi dans un lit.

Je me sens reconnaissant que mon voyage m’ait amené ici.

2950.08.04_19:33 SET

La leçon d’aujourd’hui était “la maison est là où le voyage vous emmène”.

Je suis épuisé, mais encore sous le choc de tout ce qui s’est passé. Je suis reconnaissant que Cap aille bien et que le reste d’entre nous, y compris ce gros vaisseau, soit en un seul morceau.

J’ai piloté aujourd’hui. C’est tellement étrange de dire ça. Je ne pensais pas que la première fois depuis le crash serait comme ça, mais le voyage suit son propre cours, non ?

Mais je m’avance un peu. Tout d’abord, les lits de l’Ithaca sont étonnamment confortables. Bien meilleurs que ceux que j’avais sur Vigny. Je ne sais pas combien de temps j’ai dormi, mais je me suis réveillé alors que l’équipage aidait le capitaine Ezura à s’installer sur une couchette voisine. Il avait l’air malade et ne pouvait rien avaler. Ils lui ont fait une injection d’hydrogel et l’ont mis au lit. Tout le monde espérait que c’était une intoxication alimentaire et non quelque chose de contagieux.

L’équipage a tenu une réunion et m’a laissé y assister. Nous étions allés à Pyro pendant que je dormais. Cap a été informé qu’une sorte de combat avait eu lieu et qu’il y avait des débris à trouver. Le champ de débris était énorme et les récoltes bonnes. Le seul problème, c’est que l’Ithaca se trouvait en plein milieu, et que personne n’était prêt à nous emmener.

Bakka était le copilote habituel, mais laissait à Cap le soin de piloter dans les espaces restreints. J’avais l’impression que Cap aimait voler dans la ferraille et que Bakka aimait la ramasser. De l’autre côté de la table, je pouvais voir les mains moites de Bakka à l’idée de devoir partir d’ici. Devadiga voulait quitter Pyro rapidement. Même si la ferraille était fraîche, elle avait vu des signes que quelqu’un d’autre avait peut-être commencé à récupérer la concession. Elle était convaincue que cette personne reviendrait d’une seconde à l’autre, et comme il s’agissait de Pyro, il y avait de fortes chances qu’elle ne soit pas amicale. Taisei, l’ingénieur, voulait partir, mais savait qu’endommager le vaisseau ne ferait qu’empirer les choses.

Ils ont débattu un peu et, je ne sais pas ce qui m’a poussé à le faire, j’ai dit que j’avais été pilote. J’ai parlé de l’époque où j’étais avec Vigny et de certaines de nos expéditions les plus mémorables. Je n’ai pas parlé du crash et de ce qu’il m’a coûté.

L’équipe a voté et a décidé de me donner une chance. Même si aucun d’entre eux n’est membre de l’Église, ils semblaient convaincus que le voyage m’avait amené ici pour une raison. Si je pouvais naviguer hors de l’épave, alors nous pourrions quitter Pyro en toute sécurité et chercher de l’aide pour Cap. C’est à ce moment que j’ai commencé à être nerveux, mais il était trop tard pour expliquer que je n’avais pas volé depuis l’obtention de mon nouveau bras.

Un frisson m’a parcouru le dos lorsque j’ai saisi les sticks pour la première fois. C’était étrange. La cybernétique me donnait la même sensation que d’habitude, mais c’était quelque chose de nouveau. Je pouvais sentir l’équipage qui me regardait anxieusement, alors j’ai commencé lentement mais sûrement. Le Capitaine Ezura avait laissé l’Ithaca dans un espace restreint entre les morceaux d’un Merchantman et d’un Hammerhead.

J’ai retenu mon souffle alors que je mettais les gaz. Il n’y avait pas beaucoup de place pour l’erreur lors de mes premiers mouvements. Heureusement, Devadiga m’a aidé en me demandant des ajustements cruciaux depuis la station de balayage. Ce truc est tellement plus gros que Vigny, mais j’ai commencé à m’y habituer. J’ai réussi à m’éloigner de ces pièces massives sans endommager le vaisseau. Bientôt, je faisais des ajustements précis et je prenais de la vitesse. Tout semblait normal et bien se passer, comme avant.

Je voulais dire que je n’avais pas pensé à toi pendant tout ça, que ce qui s’était passé était sorti de mon esprit, mais je ne pouvais pas m’empêcher de me souvenir. Je ne l’aurais jamais pensé, mais je pense que c’est ce qui m’a permis de rester concentré.

Après avoir dégagé le champ, j’ai cédé le contrôle à Bakka. Je me sentais épuisé physiquement et mentalement, j’avais oublié à quel point cela pouvait vous épuiser. Je suis venu ici et j’ai vérifié le capitaine. Il dort maintenant. Je vais dormir un peu et voir comment va Bakka. Voir s’il a besoin que je prenne la relève.

2950.08.05_16:51 SET

Je savais que ça finirait par arriver, mais je ne suis pas sûr d’être prêt pour ça.

Pendant que je dormais, Bakka nous a amenés à Prime. Je suppose que Cap et Taisei sont d’ici, c’était donc un endroit idéal pour se reposer et vendre de la ferraille. Cap se sent déjà mieux. Il m’a remercié d’être intervenu et m’a même offert une partie de ses gains, mais j’ai poliment refusé. J’aurais pu utiliser les crédits mais ça ne me semblait pas correct. Je lui ai dit que son vaisseau et son équipage m’avaient déjà donné plus qu’il ne le saurait jamais. Il ne m’a pas demandé ce que ça voulait dire. Il m’a juste dit que j’étais toujours le bienvenu à bord d’Ithaca et que le lancement aurait lieu dans deux jours. Une partie de moi voulait rester à bord pour voir où ils allaient, mais je sais que le Voyage m’a amené ici pour une raison, comme il m’a amené sur ce vaisseau. Avant de débarquer, Cap s’est assuré que j’avais les détails pour le joindre directement.

Maintenant, je suis assis dans le salon du spatioport à me demander si l’un des équipages ici m’emmènerait avec lui dans un endroit lointain, même si je sais que je devrais rester et livrer tes effets personnels à votre famille. C’est ce que j’aurais dû faire il y a des mois, mais j’ai toujours peur. J’ai peur de ce qu’ils penseront de moi, la personne qui n’a pas réussi à te ramener en sécurité. J’ai peur de ne pas pouvoir garder mon calme quand je parle de toi.

C’est l’arrêt que je craignais le plus. Une partie de moi espérait même que le voyage l’éviterait. Mais je suis là, à rassembler mon courage pour faire ce qui est juste et à me dire que “l’on doit réfléchir à ce que le voyage nous a apporté et comment le chemin a changé en cours de route”.

Je pense que j’ai assez réfléchi pour le moment. Il est temps de rendre visite à tes parents. Je ne sais pas si ce séjour avait pour but de m’amener ici ou de m’aider à trouver la suite. Je suppose qu’il n’y a qu’une seule façon de le découvrir.

Fin